beb - Depuis la diffusion de la série Netflix «Le Jeu de la Dame» et le film «Schachnovelle» projeté dans les cinémas cet automne (voir liens plus bas), les articles élogieux sur les échecs ont fleuri dans les médias depuis une année. Mais le championnat du monde entre Magnus Carlsen et Ian Nepomniachtchi, qui se déroule actuellement à Dubaï, ne reçoit pas que des échos positifs.

Commentaire de Markus Angst

«Zug um Zug ins Abenteuer» de Nicole Tabanyi dans la «Schweizer Familie», «Où sont les reines?» de Ellen de Meester dans «Femina» et «Eine wie Rocky Balboa» du GM Nico Georgiadis dans la «Weltwoche» sont trois exemples de dossiers journalistiques qui ont donné une image positive des échecs auprès du large public.

Mais Beth Harmon n’a pas été la seule à transmettre le virus des échecs dans la population. Les tournois rapides en ligne ont également contribué à diffuser la passion pour ce jeu et sport. Car cette forme de compétition avec un temps de réflexion réduit, transmis dans les médias sociaux, propose de l’action, du suspense et une forme de convivialité. Elle a également élargi le public des intéressés en dehors des cercles habituels des clubs en engageant des analystes qui ont commenté les parties de façon compréhensible pour tous.

Mais on ne retrouve plus ces éléments avec le championnat du monde qui se déroule à Dubaï. «Je me réjouissais beaucoup de suivre le championnat du monde, mais j’ai été très déçu», a affirmé jeudi Philipp Reich dans son article sur le site internet d’informations suisse en ligne Watson. «Jusqu’à présent, chaque duel s’est terminé par la nulle. Longtemps il ne se passe rien d’emballant sur l’échiquier car les deux adversaires se connaissent depuis le jardin d’enfants et prennent très peu de risques. Carlsen et Nepomniachtchi s’en tiennent strictement aux stratégies élaborées par leurs équipes à l’aide de super-ordinateurs et jouent des défenses de béton. Ils se neutralisent et ne cherchent pas à gagner. Ils veulent ne pas perdre.»

19 parties nulles de suite

Effectivement, sur les trois matchs pour le titre mondial Carlsen – Karjakin, Carlsen – Caruana et Carlsen – Nepomniachtchi, 19 parties en cadence classique de suite se sont terminées par un match nul, jusqu’à ce que le Norvégien remporte une victoire vendredi, après 136 coups et près de huit heures de jeu. Il s’agit du plus long match de l’histoire des finales de championnat du monde.

Et même cette partie marathon met en évidence le problème de l’intérêt du public. Alors que les parties rapides et blitz attirent les amateurs devant leur écran, pratiquement aucun joueur en dehors du cercle des initiés n’a la patience de suivre une telle confrontation. Les joueurs de club, au contraire, parviennent à considérer la 6e partie du championnat du monde comme une merveille.

S’ajoute le fait, relève Philipp Reich, que le niveau des commentaires en direct est beaucoup trop élevé pour les non-initiés. «Les experts expliquent pour les experts. Ils expliquent après chaque coup comment la suite peut se dérouler et quels coups peuvent être envisagés pour le joueur concerné. Ouverture catalane, défense russe, … tout cela, c’est du chinois pour moi. Les coups possibles sont présentés beaucoup trop rapidement par les experts sur YouTube. Il n’y a aucune chance que je puisse suivre mentalement. Pourtant, avec ce long temps de réflexion, ils ont suffisamment de temps à disposition pour rendre les raisons de jouer tel coup ou la stratégie compréhensibles.»

Et si, en tant que chargé de communication de la Fédération suisse des échecs, je préfère les comptes-rendus positifs sur les échecs, je peux tout à fait comprendre le point de vue du journaliste de Watson. Je relève à cet effet que sur le canal de Chess24 de YouTube, une version en direct touche aussi un public large grâce aux commentaires originaux de la journaliste norvégienne Kaja Marie Snare, qui n’est pas une joueuse d’échecs. Et il existe aussi d’excellents commentateurs qui révèlent des anecdotes sur des Grands-Maîtres.

Le journal «Spiegel», qui aborde régulièrement le thème des échecs, était prémonitoire lorsque dans son édition du 6 novembre 2021, il abordait cette problématique. «Peu de personnes ne veulent jouer des parties d’échecs classiques, et encore moins les regarder. La durée d’attention des gens devient toujours plus brève, ils veulent de l’action. C’est ce qui rend les parties rapides si attractives», relèvent les auteurs de l’article Matthias Fidler et Florian Pütz en citant le MI grec Georgios Souleidis, qui gère un des plus importants canaux allemands d’échecs sur YouTube.

A l’opposé on retrouve le point de vue des traditionalistes. Ainsi, le directeur général de la FIDE Emil Sutovsky craint que «le jeu d’échecs ne perde ses racines et sa réputation unique de sous-culture, s’il est conditionné uniquement ou presque uniquement par le facteur amusement» («Spiegel» 45/2021).

«Donner raison à tous les amateurs d’échecs et un art auquel personne ne parvient», est une affirmation de Robert Bosch que l’on pourrait facilement appliquer à cette thématique.

Liens sur des sujets de cet article

The Queen’s Gambit: https://www.netflix.com/ch/title/80234304

Article FSE sur le film «Schachnovelle» https://www.swisschess.ch/nouvelles/le-film-schachnovelle-en-francais-the-royal-game-est-projete-des-le-23-septembre-en-suisse-allemande.html  

«Zug um Zug ins Abenteuer»: https://www.swisschess.ch/tl_files/ssb/links/SFA_2021_13_p080-sfa0401_13_sle_schach.pdf

Article «Où sont les reines?»: https://www.swisschess.ch/tl_files/ssb/links/Femina1-4.pdf

Article «Eine wie Rocky Balboa»: https://www.swisschess.ch/tl_files/ssb/links/WEW_50_072_LICHTBLICK_SCHACH.pdf

Commentaire de Philipp Reich sur le site d’informations suisse en ligne Watson: https://www.watson.ch/!383845173

Canal Chess24 de YouTube sur le Championnat du monde: https://www.youtube.com/watch?v=Xb8bq9XwmXQ

Canal allemande de Youtube géré par Georgios Souleidis: https://www.youtube.com/watch?v=2nciEtV5rEc